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Channel: Emmanuel Lepage – Bulles picardes
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Heureux qui comme Ulysse a fait des beaux Voyages

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voyages-dulysse_couvLes voyages d’Ulysse, Emmanuel Lepage, Sophie Michel (scénario), Emmanuel Lepage, René Follet (dessin). Editions Daniel Maghen, 221 pages, 29 euros.

Nouvelle odyssée hors norme pour Emmanuel Lepage, pour un voyage à la fois pictural, littéraire et personnel, qui revisite à sa façon l’oeuvre d’Homère.

Fin du XIXe siècle, à Istanbul. Un obscur peintre, Jules Toulet, recherche sa muse, Ana, qui vit quelque part dans une ville du pourtour méditerranéen. Dans la dèche, il doit à ses oeuvres d’être remarqué par le capitaine Salomé Ziegler, qui l’accepte à bord contre la réalisation d’un dessin par semaine. La mystérieuse jeune femme qui pilote avec charisme L’Odysseus s’intéresse aussi beaucoup à la peinture. Et elle aussi est en quête. Elle recherche un peintre nommé Ammôn Kasacz, pour remplir un devoir familial. Or, Toulet pourrait bien l’aider dans cette recherche qui va les emmener de port en port. Entretemps, Salomé confie à Jules les liens qui la lient à Kasacz et les drames qu’ont traversé sa famille…

Si les albums d’Emmanuel Lepage sont tous graphiquement très beaux, celui-ci est encore plus à mi-chemin de la bande dessinée et du « beau livre » d’art. Sa publication chez l’éditeur-galériste Daniel Maghen n’étant d’ailleurs pas fortuite. Très bien édité, sur un papier qui restitue bien la texture des couleurs, l’ouvrage comporte aussi – clin d’oeil et nouveau niveau de lecture – des extraits de l’Odyssée d’Homère imprimés sur papier calque au fil des pages.

Ce très joli album serait né d’un hommage familial. En 2005, Emmanuel Lepage et sa compagne, Sophie Michel, avaient publié un carnet de croquis, Les voyages d’Anna en l’honneur de leur fille. Ces Voyages sont le pendant, pour leur fils Ulysse.
Le projet se double ici d’un autre hommage à un mentor en matière de dessin d’Emmanuel Lepage : le grand et méconnu auteur réaliste René Follet. Les superbes oeuvres de ce dernier, inspirées par l’antiquité grecque dans une vision à la fois forte et romantique sont même le coeur et au coeur, du récit. Attribuées pour le besoin de l’intrigue au fameux Ammôn Kasacz. S’agissant de ses propres planches, le travail d’Emmanuel Lepage est également virtuose, qu’il s’agisse des traits fins des personnages comme des décors ou des scènes maritimes (avec quelques magnifiques double pages).

L’objet est donc fort réussi. Mais le scénario et l’intrigue apparaissent surtout comme un support ou un écrin à l’insertion des toiles de René Follet. Si le passé (chargé) de Salomé est fouillé et apporte son lot de dramaturgie, les relations entre la capitaine et le peintre sont nettement moins creusés. Quant à la quête de Jules Toulet, sa résolution est pour le moins lapidaire.

Même calquées sur l’itinéraire d’Ulysse, ce voyage là n’est pas si homérique que cela. Contrairement aux derniers grands récits de reportage, à Tchernobyl ou même dans l’Antarctique, porteurs à chaque fois d’une vraie réflexion doublée d’envolées romanesques puissantes.

Sans la profondeur et l’émotion des précédents albums d’Emmanuel Lepage, ces nouveaux voyages d’Ulysse ne feront pas d’ombre à Homère, mais resteront la beauté des planches et cet exercice réussi d’articulation-fusion entre l’univers de deux grands artistes.

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